dimanche 30 novembre 2008

Tremblement de terre

Le 25 novembre 1988, à 18h46, l’est du Canada enregistrait son plus important séisme en 60 ans, un tremblement de terre de magnitude 5,9 sur l’échelle Richter allait semer l’émoi chez plusieurs résidents du Québec. Son épicentre était situé à 50 kilomètres au sud de Chicoutimi, mais fut ressenti à plus 2000 kilomètres jusqu’à Montréal et Washington.

Voilà ce que rapporte le journal Le Soleil d’aujourd’hui, vingt ans plus tard jour pour jour.

Souvenir

Je me souviens de cet événement comme s’il était arrivé hier. Des détails sont inscrits dans ma mémoire auditive, visuelle et émotive tant le choc fut grand pour Claude et moi.

La veille une secousse brève nous avait réveillés au cœur de la nuit. Premier signe avant-coureur. La pleine magnitude du séisme est survenue quinze heures plus tard.

Je suis à peindre dans mon atelier au sous-sol de notre maison à Jonquière lorsque j’entends un grondement sourd. Surréaliste, cela ressemble aux roulements des tanks soviétiques entrant à Prague dans le film l’insoutenable légèreté de l’être que je viens de voir au cinéma.

Les secousses augmentent sous mes pieds. La lumière s’éteint. Claude me crie de monter. Alors qu’à quatre pattes j’escalade l’escalier, j’entends le tintamarre de la vaisselle qui tombe des armoires. Nous nous retrouvons rapidement dehors dans le jardin. Nous sommes là enlacés. Je crains que la terre s’ouvre devant nous pour nous engloutir comme dans une scène apocalyptique.

Fin des secousses. Atmosphère étrange. Odeur de souffre.


Dans la rue

Machinalement nous allons dans la rue obscure en silence. Une femme affolée court et crie : Fernand, Fernand! Où es-tu Fernand? Nous apprenons que le Fernand dès les premières secousses est sorti de la maison, a sauté dans son auto et a déguerpi.

Un voisin dit : Chez moi, la cheminée s’est effondrée avec fracas par l’intérieur et ma femme est sous le choc. Un autre arrive en camionnette et demande tout bonnement depuis quand l’électricité est en panne. En roulant il n’a rien senti.

Des voix inaudibles nous parviennent de-ci de-là. Progressivement les gens rentrent chez eux. Nous faisons de même.

Le premier regard de Claude est pour la bibliothèque. Il y était assis au début du tremblement de terre. Il se souvient avoir entendu tomber des livres. Une grande étagère à la dimension d’un mûr est déplacée de sa base et tient en équilibre précaire. Il l’a échappé belle!

Le téléphone est coupé. L’électricité aussi. La radio donne constamment des nouvelles du séisme saguenéen. Nous pensons à nos enfants de Montréal qui doivent s’inquiéter.


François

En fin de soirée les communications reviennent. François est le premier à nous joindre. Il s’enquière de la situation de ses parents.

— Nous allons bien et il nous semble que nous n’ayons que des bris à la bibliothèque.

— J’arrive !


Cinq heures plus tard François était à la maison avec… son coffre à outils. Ce geste d’amour filial nous a si touchés que c’est encore avec émotion que je l’évoque.


Épilogue

Tout compte fait, nous sommes sortis chanceux de cette aventure. D’autres au Saguenay ont subi des dommages matériels considérables et certains des séquelles psychologiques qui ont pris du temps à se résorber. Celle qui cherchait son Fernand tomba dans une psychose dont elle ne s’est jamais remise.

lundi 24 novembre 2008

Mon père, conteur

Mon père était un conteur. Il nous racontait l’Histoire à sa façon par des récits pittoresques où la chronologie n’existait pas. L’Antiquité chevauchait le Moyen-âge, l’Ancien et Nouveau Testament se confondaient avec l’actualité. Avec lui, l’Histoire se déroulait au présent et il était toujours présent dans l’histoire.

Ma mère par souci de rectitude remettait subtilement les choses en ordre à la fin du récit.


Compagnon des héros

Papa nous servait ses héros favoris dans des versions différentes toutes aussi passionnantes. La diversité de son auditoire stimulait son imagination.

Ses récits commençaient toujours par : Quand j’étais avec… ou… Un jour alors que nous étions… et moi…

Le comble de ses fantaisies l’amenait à mettre en scène Gengis Khan, Buffalo Bill et Josué dans le même récit. Mais ordinairement il nous racontait les faits héroïques d’un seul héros à la fois. Alors cela devenait une grande fresque abondante de détails savoureux.

Avec Gengis Khan, chef des Mongols, il nous a amenés en Russie, en Chine, en Perse, à la conquête de l’Asie. Nous avions droit à la longue chevauchée des troupes, à la couleur des chevaux, à la fatigue des hommes, à une description des habits des vaincus et des vainqueurs.

Buffalo Bill fut à mon avis son super héros. Pensez donc, tuer 69 bisons en une journée! Papa nous a raconté que cet homme avait dirigé le spectacle le plus populaire du monde qu’il a présenté dans toute l’Amérique du nord y compris au Canada et à Paris en 1905 au pied de la tour Eiffel devant trois millions de spectateurs. Il avait recréé en spectacle l’atmosphère de l’Ouest américain, la chasse au bison et l’attaque d’une diligence. Mon père était de tous les numéros.

Quant à Josué, nous avons entendu le son des trompettes antiques utilisées par les Hébreux contre les murailles de Jéricho lors de la conquête de Canaan.

Josué m’a envoyé dire à ses hommes de faire sonner les trompettes pendant sept jours en faisant sept fois le tour de la ville. À la fin, les murailles de Jéricho se sont effondrées et on a pu prendre la ville.

Notre père savait saisir le moment opportun.


L'histoire sans fin

Un soir d’été à la brunante nous prenons l’air sur la galerie. Simon, mon cousin de douze ans, est en promenade chez-nous. Papa commence à voix basse cette histoire sans fin et en augmente progressivement le crescendo:

Dans les sombres forêts des Apennins existe une caverne de brigands. Le chef dit à l’un d’eux : Nicodème, raconte-nous une de ces histoires qui font trembler les montagnes et frémir les passants. Nicodème commença ainsi :

Dans les sombres forêts des Apennins existe une caverne de brigands. Le chef dit à l’un d’eux : Nicodème, raconte-nous une de ces histoires qui font trembler les montagnes et frémir les passants. Nicodème commença ainsi :

Dans les sombres forêts des Apennins existe une caverne de brigands. Le chef dit à l’un d’eux : Nicodème, raconte-nous une de ces histoires qui font trembler les montagnes et frémir les passants. Nicodème commença ainsi :

Dans les sombres forêts des Apennins…



Simon affolé s’écrit :

Arrête mon oncle, ça m’poigne dans l’dos!

dimanche 23 novembre 2008

La chapelière

On venait de loin magasiner chez Madame Amyot. Sa réputation dépassait largement Kénogami et le Saguenay. On allait jusqu’à traverser le Parc des Laurentides pour trouver chez elle la coiffure idéale.

C’était l’époque où le chapeau faisait obligatoirement partie de la toilette et où les femmes ne pouvaient pas entrer à l’église sans couvre-chef.

Utilitaire, il était aussi parure. Il était même l’objet d’un rituel à Pâques où les élégantes se faisaient une coquette obligation d’arborer un nouveau chapeau de paille. Les distractions à coup sûr nous faisaient perdre notre latin pendant la messe.

Revenons à Madame Amyot dont la réputation tenait non seulement de son bon goût mais surtout de sa franchise et de son franc parler. Grande de taille, elle en imposait au sens propre comme au sens figuré.

Un jour, je l’ai entendue dire à une cliente vêtue d’un pantalon :

— Revenez me voir quand vous serez habillée, madame.

Après le départ de la dame :

— Je ne coiffe pas les hommes.

Les habituées apportaient souvent le vêtement qui demandait le chapeau assorti. Madame Amyot réussissait rapidement l’agencement approprié.

J’ai souvenir de mon premier achat chez elle. Je devais assister à un mariage en août. Prévenue, j’avais apporté le costume en jersey blanc-cassé que je devais porter pour l’occasion. Je vois dame Amyot étaler le vêtement sur le comptoir, me regarder attentivement, puis ouvrir un grand tiroir et en sortir un superbe chapeau breton à large bord en velours noir et me le déposer sur la tête. Ravissant!

Dès lors, j’ai compris pourquoi on venait de loin la consulter.

lundi 17 novembre 2008

Madame Thibodeau

Notre travail de représentantes pour la Librairie oblate nous amenait, ma sœur Madeleine et moi, à visiter aussi les communautés religieuses de la Nouvelle-Angleterre.

Grâce à une amie qui la connaissait, une dame Thibodeau de Boston nous offrit généreusement de loger chez elle.

Elle était originaire de Tracadie et veuve de Victor, un riche homme d’affaire. Elle avait conservé le parler coloré des Acadiens.

Les p’tites filles, y a pas de gêne. Ma maison est grande sans bon sens et vous serions comme chez vous

En effet sa maison était vaste et elle était entourée d’un grand jardin abondamment fleuri.

Nous fûmes accueillies par Madame Thibodeau à bras ouverts et avec moult démonstrations d’enthousiasme. Sa fille unique June, aussi exubérante que sa mère, vivait sous le même toit avec sa famille.

Lovely baby

Le temps de ranger nos affaires et on nous convie à souper. Le mari de June est là dans toute sa stature d’athlète, charmant, mais silencieux. Leur bébé, assis dans une chaise haute, me fige. Il est trisomique et hydrocéphale. Que dire? J’observe et j’écoute. June est émouvante de tendresse envers son bébé. Durant le repas elle nous apprend comment cet enfant fut désiré, et à quel prix. Infertile, le couple a eu recours à l’insémination artificielle, chose que j’ignorais à l’époque.

Le doctor, nous expliqua-t-elle, a pris la jarme de mon mari et l’a mise dans mon ventre. J’ai pu comme ça avoir my lovely baby. Un miracle!

Sa mère un peu puritaine sursaute :

Voyons June, c’est pas des choses à raconter à des p’tites filles.


J’avais vingt ans et Mado vingt-deux…

L'anniversaire de Victor

Le lendemain, madame Thibodeau nous annonce que c’est l’anniversaire de son mari et qu’elle aimerait aller sur la tombe de son défunt Victor qui est mort. Nous lui offrons de l’y conduire.

Chemin faisant, madame demande d’arrêter devant la boutique d’un fleuriste :

Stop here! Je veux acheter des peonies pour mon défunt Victor.

Elle revient à la voiture les bras chargés. Madeleine de peut s’empêcher de lui demander :

Pourquoi n’ avez-vous pas pris les pivoines de votre jardin? Il y en a en abondance…

Oui c’est vrai, mais ce gars-là, il a un business et il faut l’encourager.

Près de la tombe de son Victor, notre amie laisse aller ses larmes. Soudain elle s’arrête, porte la main à son cou et s’écrie :

My jewelleries! J’avions oublié my jewelleries !

Ce n’est pas grave…

Oui, c’est lui qui me les a données.

Elle se sentait fautive en ce jour particulier d’avoir omis cette délicatesse envers son Victor.

Retour d'un cousin prêtre

Le soir nous réservait une rencontre avec la famille élargie des Thibodeau. Notre hôte tenait à ce nous allions avec eux à l’aéroport afin d’accueillir le cousin prêtre qui revenait de Rome. Ce séjour dans la ville éternelle augmentait le haut prestige dont il jouissait déjà dans la famille.

Je m’attendais à voir arriver un religieux en soutane comme c’était encore l’usage au Québec. Ce fut, à mon grand étonnement, un homme en clergyman, imposant de taille, dégageant un certain charisme qui s’avança.

Impressionnée, je n’ai su dire plus que « please to meet you Father » tel qu’on me l’avait appris.

Le respect dont il fut l’objet à la fête familiale qui suivit témoignait de l’importance de ce personnage dans la famille. Mais tout le clinquant déployé avec ballons et crécelles profanait à mes yeux le sens profond de la rencontre.

La plage

Le lendemain, dimanche après la messe, June nous propose d’aller avec elle nous reposer à la plage. Elle nous amène dans ce qu’il nous semble être une foire avec manège, grande-roue, tamponneuses et tout le cirque.

Où est la plage?

There! me désignant la mer cachée par tout ce bazar.

Nouveau concept d’une plage où on trouve le repos!

Épilogue

Je reverrai madame Thibodeau deux ans plus tard alors que j’étais nouvellement mariée. De passage au Saguenay, elle fit chez nous une courte visite pour connaître mon mari et voir si j’avais mon rug rouge. (Je lui aurais dit, parait-il, que j’aimerais avoir un tapis rouge dans ma chambre.)

Chose plus sérieuse, elle m’apprit que le lovely baby était mort depuis un an et que June et son époux travaillaient for have another miracle.

Cette chère dame Thibodeau est allée depuis longtemps rejoindre son défunt Victor. A-t-elle pensé pour la circonstance porter les précieuses jewelleries qu’il lui avait offertes ?

jeudi 13 novembre 2008

La Ouananiche

L’été de mes seize ans aura eu une importance déterminante dans ma vie.

En cette année 1947 on célébrait le tricentenaire de la découverte du lac Saint-Jean par un grand pageant comptant au moins deux cents figurants sur une scène extérieure à Desbiens. Notre oncle Laurent Tremblay en était l’auteur et partageait la mise en scène avec le chorégraphe Maurice Lacasse Morénoff. Ce spectacle fut répété une dizaine de fois.

Avec mes sœurs Gilberte et Madeleine je fus invitée à en faire partie.
Ce fut pour moi des moments de rêve. Pour la première fois je vivais dans le monde merveilleux du théâtre et me découvrais une passion pour la danse.

C’est sans doute ce qu’à compris monsieur Morénoff lorsqu’il m’a proposé d’interpréter le solo vedette du numéro intitulé LA OUANANICHE, ce saumon d’eau douce aussi emblématique de la région que le bleuet.

La chorégraphie de ce numéro était descriptive et pleine de vivacité. Sur Pizzicato Polka de Johann Strauss une vingtaine de danseuses personnifiant les ouananiches simulaient le va et vient des poissons dans l’eau à travers des voiles bleutés en mouvements ondulatoires. Vers la fin un pêcheur lance sa ligne. Une imprudente (c’était moi) mord à l’hameçon et c’est dans une pirouette de grande agilité qu’elle est entraînée hors de l’eau. Fin du numéro. Applaudissements.

L’acteur qui jouait le rôle du pêcheur était un charmant jeune étudiant en génie qui s’appelait Robert. Mais le véritable pêcheur de cet été là, portait le nom de Claude. Son travail d’animateur sur le train qui amenait les spectateurs de Chicoutimi à Desbiens lui permit d’assister à toutes les représentations. La première fois qu’il est venu me féliciter dans les coulisses je fus d’emblée séduite par l’élégance de ce jeune homme souriant, portant béret béarnais et appareil-photo en bandoulière. Ses brèves visites successives me donnaient des ailes.

Monsieur Morénoff n’aura jamais su pourquoi la ouananiche, à sa grande satisfaction, bondissait de plus en plus haut d’un soir à l’autre.

La ouananiche, elle, savait quel hameçon magique l’avait piquée.

lundi 10 novembre 2008

Émotion

La cérémonie religieuse est terminée. On remet l’urne funéraire de Madeleine à Laura, sa fille unique.

Dans un geste affectueux, Laura dépose l’urne de sa mère sur son cœur, l’entourant avec tendresse de ses bras en une dernière étreinte. Lentement, elle descend l’allée centrale de l’église, puis les longues marches de l’escalier extérieur, et l’emmène vers son repos éternel au cimetière tout à côté.

Image émouvante de l'une, portant sur son sein, l'autre qui l’a portée, il y a plus de cinquante ans.

dimanche 9 novembre 2008

Coups de cœur

Micheline et Arthur Marsolais nous ont offert un cadeau original à notre arrivée à Québec en 1997. Ils avaient invité à leur table nos amis les plus chers parmi ceux que nous avions connus au Saguenay et qui habitaient maintenant Québec.

Nous étions douze. Ce fut une rencontre animée et chaleureuse. Cette belle grappe de bleuets était manifestement heureuse de se retrouver réunie dans le salon de nos amis de Cap-Rouge.

Cette soirée devait nous réserver des surprises. Nos hôtes avaient demandé à chacun des invités de partager avec nous son coup de cœur dans cette ville où nous avions choisi de vivre.

C’est durant le repas que chacun fut invité à livrer son coup de cœur. Après onze ans je ne voudrais pas trahir leurs propos. Je vais quand même tenter de rappeler ici leur choix.

Rodolphe exhibe une pierre. C’est le symbole de son coup de cœur. Québec, dit-il, est une ville de pierres. Il nous invite à découvrir toute la beauté de ces maisons de pierres dont certaines ont plusieurs siècles. Comme nous, il vient d’une région où les maisons sont en bois et se souvient du choc qu’il avait eu lors de son premier voyage à Québec devant la solidité des bâtiments.

Suzie, plus pragmatique, nous remet une liste avec adresses et numéros de téléphone des meilleurs services professionnels et alimentaires de notre quartier. Elle nous apprend qu’aux Halles du Petit-Cartier on trouve : médecin, pharmacienne, optométriste, physiothérapeute, boulangerie, épicerie, boucherie, poissonnerie, fromager, traiteur... Et j’en passe. Idée géniale qui nous facilitera bien des démarches par la suite.

André et Louise vivent leur lune de miel. Il va de soi que leurs coups de cœur soient teintés de romantisme.

André nous propose des randonnées dans le Parc de la Plage Jacques-Cartier, cet oasis de paix au cœur de la ville trépidante où on peut se promener en toute tranquillité près du fleuve.

Louise, nouvelle venue, adoptée spontanément, nous amène le soir dans la rue du Petit-Champlain sous la neige alors que les flocons scintillent à la lumières des enseignes des boutiques des artisans.

Gérard, fidèle abonné à l’Orchestre symphonique de Québec, nous suggère fortement de suivre les saisons de l’orchestre aux programmes toujours intéressants. (Il lui arrivera par la suite de nous faire bénéficier de ses billets lorsqu’il devra s’absenter.)

Quant à Louise, son coup de cœur porte sur l’importance et la richesse de l’amitié. Elle rappelle avec émotion comment, lorsqu’elle a connu Gérard, elle s’est sentie accueillie chaleureusement par les nombreux amis de ce dernier.

Laurent nous propose le Parc Jeanne-d’Arc, bijou paysager situé en contrebas sur les Plaines d’Abraham tout près de notre nouvelle demeure. Conçu à la française et planté à l’anglaise, ce parc demeure un lieu d’émerveillement durant toutes les saisons. Tous les jours depuis, cet endroit est pour moi un des buts de mes marches quotidiennes.

Rose, anthropologue active, a une pensée spéciale pour les marginaux et itinérants de la Place d’Youville. Elle nous sensibilise aux problèmes sociaux de la ville qui cache sous sa beauté beaucoup de misère.

Nos hôtes terminent la collection des coups de cœur.

Arthur, grand lecteur, nous mentionne une des sources où il puise sans doute son érudition : la librairie Pantoute. J’ai cru au départ que c’était une blague. Souvent pince-sans-rire, cela aurait été possible. Mais non, cette librairie au savoureux nom de Pantoute existe bel et bien, sur la rue Saint-Jean, depuis plus de vingt ans.

Pour Micheline son coup de cœur est un coin discret, ombragé, idéal pour la détente : le parc du Cavalier-du-Moulin situé tout au bout de la rue Mont-Carmel où loge le Conservatoire d’art dramatique. Il offre une vue originale sur le vieux Québec. Tout petit espace public, il est un vestige de la Nouvelle-France.

J’espère avoir rappelé ici l’essentiel des coups de cœur de nos amis. Je retiens surtout de cette réunion la constance des liens d’amitié créés au Saguenay dans les années soixante.

Claude et moi gardons un souvenir ému de cette soirée. Merci à Micheline et Arthur pour ce mémorable cadeau.

lundi 3 novembre 2008

Rugissement

Voici une histoire de lionne que je tiens de la protagoniste elle-même.

Yves et Martine sont en vacances en France avec leurs deux filles, Ariane sept ans et Évelyne quinze mois. Ils soupent dans un bistro parisien. À la fin du repas, Évelyne, sans doute fatiguée, se met à pleurer.

On a beau essayer de la consoler, de lui offrir biscotte, fruit, jouet, rien ne réussit à la calmer. Les pleurs continuent de plus belle au grand désarroi des parents qui décident de quitter l’estaminet.

À la table voisine il y a un couple de personnes âgées qui sont accompagnées de leur chien. La vieille s’indigne à haute voix auprès du garçon de table :

A-t-on idée d’amener de jeunes enfants au restaurant ?

Le garçon de table approuve d’un geste de la tête, tout en caressant gentiment le toutou du couple. Martine sent bondir la mère lionne en elle. Elle se lève et demande à la dame :

Madame, avez-vous des petits-enfants ?

Non, Madame.

Tant mieux, car ils seraient bien malheureux d’avoir une grand-mère si peu tolérante !

Et au garçon de table :

Vous, Monsieur, êtes-vous marié ?

Pas encore, Madame !

Si cela vous arrive, je vous souhaite d’avoir beaucoup de petits chiens !

Vlan ! Et elle sort avec les enfants, tandis qu’Yves règle l’addition. Le garçon, contrit, le prie de l’excuser et avoue humblement tirer leçon de l’incident.